Lien vers source Article Origine : Jean Vanderspelden – Consultant ITG - jean.vanderspelden@free.fr
Le triangle
Tout formateur, tout tuteur, à un moment ou à un autre, a été amené à travailler sur le fameux «Triangle» pédagogique. En 1988, Jean Houssaye (1), son concepteur, propose cette figure géométrique pour éclairer les liens entre théorie et pratique de l’éducation scolaire. Il définit l’acte pédagogique comme l’espace délimité entre trois sommets. Il qualifie cet acte en fonction des proximités relatives à chacun de ces sommets. Toute pédagogie est un choix, et un choix entre des pédagogies qui s'inscrivent dans la triangulation : "enseigner", "former" et "apprendre". Ayant posé qu'on ne peut éviter d'opter, l'auteur présente chacune de ces trois options. Rapidement, ce support à servi à de nombreuses réflexions dans le champ de la formation des adultes. Dans l’un de ses billets, publié en octobre 2007 (2), Jacques Rodet reprend ce triangle pour poser la question de «La place du tuteur à distance dans ce triangle» et pour tracer des pistes de réflexions.
L’un des mérites de ce support visuel, a été d’ouvrir la réflexion pour sortir de la relation duale entre maître et élève et faire le pari de la co-construction d’environnement où l’intelligence de chaque apprenant est le moteur des activités d’apprentissage et de production. Ainsi, on a pu explorer d’autres chemins qui nous font aujourd’hui mieux distinguer les trois verbes mobilisés. La principale conséquence est de donner, ou redonner, une place plus confortable à la personne apprenante, à l'école, dans un CFA, dans un organisme de formation (association, AFB, AFPA, APP, CCI, GRETA, organisme privé, etc.), à l'université, dans une médiathèque, dans une entreprise, à domicile, etc. en résonance avec un contexte où l'usage du numérique prend une place de plus en plus structurante.
Pierre Dac disait qu’«un carré est un triangle qui a réussi, ou un cercle qui a mal tourné». Alors il est possible, sans remettre en cause les bases de la géométrie euclidienne, de rebondir sur cette figure novatrice et de la manipuler en vue d’étudier d’autres approches. Dans ce billet, celles que je propose, passent toutes les deux par le losange. La première s’appuie sur la troisième dimension, tandis que la seconde, plus récente, nous propose un déploiement vers une carte d’orientation.
Trois losanges et un tétraèdre
Au sein de la mission nationale d’animation des Ateliers de Pédagogie Personnalisée (3), je participais aux actions de professionnalisation des nouveaux coordonnateurs-trices. L’un des objectifs de cette formation était de marquer que les APP étaient, dès leur origine en 1988, et sont toujours, des lieux de formations ouvertes (4) ... et à distance, y compris pédagogiques, d’abord pour asseoir l’autoformation accompagnée, forme de mise à distance, douce et adaptée, car négociée avec chaque apprenant.
Pour assurer la démonstration, j’ai repris en 1993 ce triangle, dans le cadre de la veille collective assurée par l’association MIP+ (5) sur l’usage du multimédia en formation des adultes peu qualifiés. Je l’ai décliné en trois losanges, en y associant un nouveau quatrième pôle : le concept d’abord de «concepteurs de ressources» puis de «e-ressources» que les apprenants et les formateurs peuvent mobiliser, indépendamment ou non l’un de l’autre, selon les trois schémas ci-dessous :
Sans bien mesurer, à l’époque, l’essor rapide et l’impact fort de l’usage des ressources numérisées, en particulier aujourd’hui les outils et ressources de type 2.0 (6), dans ce nouvel espace-temps formatif, formel et informel, on pouvait cependant imaginer que leur mobilisation allait accélérer l’instauration d’environnement d’apprentissage, de plus en plus ouvert, redistribuant les accès aux savoirs et leurs partages, et aussi et surtout, les relations avec les formateurs et entre les apprenants. Dans ces environnements, la collaboration présentielle, ou distante, serait un moteur nouveau et important de l’acte de formation ou plutôt d’autoformation. Le cumul des trois logiques, présentées ci-dessus, caractérise, de notre point de vue, la spécificité du nouvel espace d’activité des FOAD, telles qu’elles ont été définies par le Forum Français pour les Formations Ouvertes et à Distance (FFFOD). (7)
Du losange à la carte d’orientation
Dans le cadre de la conception de guide du e-tutorat (8) mis en ligne en novembre 2010, Michel Lisowski, chargé de missions au Centre Inffo, a également travaillé sur ce triangle. Il s’agissait de donner des repères nouveaux aux personnes souhaitant se former à distance aux fonctions de tuteurs à distance, dans le cadre des actions de types FOAD.
Dans cette deuxième illustration, le quatrième pôle qui enrichit le triangle n’est pas le concept de «ressources», mais celui de «groupe», autre forme de ressource en particulier de type relationnel. Cela permet de générer, dans un premier temps, de nouvelles activités repérées dans l’acte de formation ouverte et à distance ; faciliter, transmettre, collaborer et se former.
Puis en passant du losange à la carte d’orientation, l’auteur ajoute les verbes partager et participer. L’ensemble déployé forme une carte d’orientation. Cet outil qualifie un territoire enrichi et redistribué entre les activités des apprenants et celles des appreneurs ; appreneurs au sens des personnes environnant l’apprenant ; formateurs, tuteurs, animateur EPN, bibliothécaire, collègues ou pairs. Tel des architectes bâtisseurs, les concepteurs de ce guide confortent cette approche cartographique en la re-contextualisant, dans une vision plus large, et l’opérationnalisant jusqu’à proposer des exemples de tableaux de bord de formation de tuteurs ; de la carte d’orientation au tétradécagone...
D’autres figures construites à partir du Triangle de Jean Houssaye doivent très certainement exister, et apporter leurs contributions à la nécessaire ouverture maîtrisée de nos dispositifs de formation. Ces deux illustrations présentées ci-dessus, marquent la FOAD, comme une réponse opérationnelle à la révolution copernicienne qui est en train de se mettre lentement, mais sûrement, en place. Les acteurs de la formation innovent ; ce sont les organismes de formation qui vont s’adapter de plus en plus aux besoins et aux disponibilités des personnes pour les accompagner dans des espaces temps novateurs d’apprenance (9) telle que Philippe Carré l’a définie.
Vers la quatrième dimension !
Il nous reste à investir l’espace-temps à quatre dimensions, décrit en 1905 par Einstein ; mais là, pour le e-tutorat, c’est une toute autre affaire, en lien très certainement avec … la théorie Freudienne ! Cependant, pour les curieux, on ne peut que conseiller le lien vers une superbe ressource en ligne (10) produite au Québec. Avec des animations graphiques encapsulées dans des vidéos et avec un simulateur interactif, cette e-ressource inventive nous fait belle et bien «toucher» la quatrième dimension : comprendre la théorie d’Einstein en 30 minutes. Comme quoi, tout est relatif !
le Triangle de Jean Houssaye |
Tout formateur, tout tuteur, à un moment ou à un autre, a été amené à travailler sur le fameux «Triangle» pédagogique. En 1988, Jean Houssaye (1), son concepteur, propose cette figure géométrique pour éclairer les liens entre théorie et pratique de l’éducation scolaire. Il définit l’acte pédagogique comme l’espace délimité entre trois sommets. Il qualifie cet acte en fonction des proximités relatives à chacun de ces sommets. Toute pédagogie est un choix, et un choix entre des pédagogies qui s'inscrivent dans la triangulation : "enseigner", "former" et "apprendre". Ayant posé qu'on ne peut éviter d'opter, l'auteur présente chacune de ces trois options. Rapidement, ce support à servi à de nombreuses réflexions dans le champ de la formation des adultes. Dans l’un de ses billets, publié en octobre 2007 (2), Jacques Rodet reprend ce triangle pour poser la question de «La place du tuteur à distance dans ce triangle» et pour tracer des pistes de réflexions.
L’un des mérites de ce support visuel, a été d’ouvrir la réflexion pour sortir de la relation duale entre maître et élève et faire le pari de la co-construction d’environnement où l’intelligence de chaque apprenant est le moteur des activités d’apprentissage et de production. Ainsi, on a pu explorer d’autres chemins qui nous font aujourd’hui mieux distinguer les trois verbes mobilisés. La principale conséquence est de donner, ou redonner, une place plus confortable à la personne apprenante, à l'école, dans un CFA, dans un organisme de formation (association, AFB, AFPA, APP, CCI, GRETA, organisme privé, etc.), à l'université, dans une médiathèque, dans une entreprise, à domicile, etc. en résonance avec un contexte où l'usage du numérique prend une place de plus en plus structurante.
Pierre Dac disait qu’«un carré est un triangle qui a réussi, ou un cercle qui a mal tourné». Alors il est possible, sans remettre en cause les bases de la géométrie euclidienne, de rebondir sur cette figure novatrice et de la manipuler en vue d’étudier d’autres approches. Dans ce billet, celles que je propose, passent toutes les deux par le losange. La première s’appuie sur la troisième dimension, tandis que la seconde, plus récente, nous propose un déploiement vers une carte d’orientation.
Trois losanges et un tétraèdre
Au sein de la mission nationale d’animation des Ateliers de Pédagogie Personnalisée (3), je participais aux actions de professionnalisation des nouveaux coordonnateurs-trices. L’un des objectifs de cette formation était de marquer que les APP étaient, dès leur origine en 1988, et sont toujours, des lieux de formations ouvertes (4) ... et à distance, y compris pédagogiques, d’abord pour asseoir l’autoformation accompagnée, forme de mise à distance, douce et adaptée, car négociée avec chaque apprenant.
Pour assurer la démonstration, j’ai repris en 1993 ce triangle, dans le cadre de la veille collective assurée par l’association MIP+ (5) sur l’usage du multimédia en formation des adultes peu qualifiés. Je l’ai décliné en trois losanges, en y associant un nouveau quatrième pôle : le concept d’abord de «concepteurs de ressources» puis de «e-ressources» que les apprenants et les formateurs peuvent mobiliser, indépendamment ou non l’un de l’autre, selon les trois schémas ci-dessous :
Sans bien mesurer, à l’époque, l’essor rapide et l’impact fort de l’usage des ressources numérisées, en particulier aujourd’hui les outils et ressources de type 2.0 (6), dans ce nouvel espace-temps formatif, formel et informel, on pouvait cependant imaginer que leur mobilisation allait accélérer l’instauration d’environnement d’apprentissage, de plus en plus ouvert, redistribuant les accès aux savoirs et leurs partages, et aussi et surtout, les relations avec les formateurs et entre les apprenants. Dans ces environnements, la collaboration présentielle, ou distante, serait un moteur nouveau et important de l’acte de formation ou plutôt d’autoformation. Le cumul des trois logiques, présentées ci-dessus, caractérise, de notre point de vue, la spécificité du nouvel espace d’activité des FOAD, telles qu’elles ont été définies par le Forum Français pour les Formations Ouvertes et à Distance (FFFOD). (7)
Du losange à la carte d’orientation
Dans le cadre de la conception de guide du e-tutorat (8) mis en ligne en novembre 2010, Michel Lisowski, chargé de missions au Centre Inffo, a également travaillé sur ce triangle. Il s’agissait de donner des repères nouveaux aux personnes souhaitant se former à distance aux fonctions de tuteurs à distance, dans le cadre des actions de types FOAD.
Dans cette deuxième illustration, le quatrième pôle qui enrichit le triangle n’est pas le concept de «ressources», mais celui de «groupe», autre forme de ressource en particulier de type relationnel. Cela permet de générer, dans un premier temps, de nouvelles activités repérées dans l’acte de formation ouverte et à distance ; faciliter, transmettre, collaborer et se former.
Puis en passant du losange à la carte d’orientation, l’auteur ajoute les verbes partager et participer. L’ensemble déployé forme une carte d’orientation. Cet outil qualifie un territoire enrichi et redistribué entre les activités des apprenants et celles des appreneurs ; appreneurs au sens des personnes environnant l’apprenant ; formateurs, tuteurs, animateur EPN, bibliothécaire, collègues ou pairs. Tel des architectes bâtisseurs, les concepteurs de ce guide confortent cette approche cartographique en la re-contextualisant, dans une vision plus large, et l’opérationnalisant jusqu’à proposer des exemples de tableaux de bord de formation de tuteurs ; de la carte d’orientation au tétradécagone...
D’autres figures construites à partir du Triangle de Jean Houssaye doivent très certainement exister, et apporter leurs contributions à la nécessaire ouverture maîtrisée de nos dispositifs de formation. Ces deux illustrations présentées ci-dessus, marquent la FOAD, comme une réponse opérationnelle à la révolution copernicienne qui est en train de se mettre lentement, mais sûrement, en place. Les acteurs de la formation innovent ; ce sont les organismes de formation qui vont s’adapter de plus en plus aux besoins et aux disponibilités des personnes pour les accompagner dans des espaces temps novateurs d’apprenance (9) telle que Philippe Carré l’a définie.
Vers la quatrième dimension !
Il nous reste à investir l’espace-temps à quatre dimensions, décrit en 1905 par Einstein ; mais là, pour le e-tutorat, c’est une toute autre affaire, en lien très certainement avec … la théorie Freudienne ! Cependant, pour les curieux, on ne peut que conseiller le lien vers une superbe ressource en ligne (10) produite au Québec. Avec des animations graphiques encapsulées dans des vidéos et avec un simulateur interactif, cette e-ressource inventive nous fait belle et bien «toucher» la quatrième dimension : comprendre la théorie d’Einstein en 30 minutes. Comme quoi, tout est relatif !
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